Loi sur le courtage immobilier : à quelles modifications s’attendre au 13 juillet 2018 ?

Après l’adoption du projet de loi 141 par l’Assemblée nationale, les modifications qui vont être apportées à la Loi sur le courtage immobilier semblent se préciser. De quels changements parle-t-on ? Quelles conséquences pour le métier de courtier immobilier, courtier hypothécaire ou de dirigeant d’agence ?

Projet de loi 141 et Loi sur le courtage immobilier

Quelle définition pour l’opération de courtage immobilier ?

Dans le document aide-mémoire de l'OACIQon retrouve la formulation précise de l’opération de courtage telle qu’elle apparaîtra dans la Loi sur le courtage immobilier (LCI) :

Souvent dénoncée par l’OACIQ comme étant trop restreinte, force est de constater qu’il n’y a pas d’évolution majeure à attendre avec cette nouvelle définition. Tout l’enjeu était de résoudre la question de la place des entreprises d’assistance vis-à-vis de l’opération de courtage... il faudra attendre !

 

Si leur activité était considérée comme relevant d’une opération de courtage, celle-ci aurait été dorénavant régit par la Loi sur le courtage immobilier et serait par conséquent passé sous l’égide de l’OACIQ. Il y aurait ainsi eu un certain contrôle sur ces entreprises qui ont tendance à offrir des services très proches de ceux fournis par les courtiers immobiliers, mais sans obligations de conformité avec la Loi sur le courtage, et c’est là que le bât blesse.  

 

Le principal argument avancé par l’organisme gouvernemental fait référence au besoin de protection du public. En s’appuyant sur un sondage de 2017, l’OACIQ dénonce la confusion pour les consommateurs qui pensent bénéficier d’un encadrement semblable pour les prestations offertes par les agences immobilières et les entreprises d’assistance. Ils seraient 71% à penser bénéficier de la même protection en faisant affaire avec des sociétés comme Dupropio plutôt qu’avec une agence immobilière.

 

 

Nos programmes étant continuellement mis à jour, les modifications des articles concernées de la Loi sur le courtage seront intégrées dans le cours Droit sur le courtage immobilier (221-427-EI) du programme Techniques de courtage immobilier résidentiel (EEC.27).

 

Quel avenir pour le permis de courtier hypothécaire ?

C’est une petite révolution qui s’annonce tel que présenté dans le projet de loi 141. En effet, la pratique du courtage hypothécaire va sortir du champ d’application de l’OACIQ pour être transférée à l’Autorité des marchés financiers (AMF). L’AMF encadrera l’activité des courtiers hypothécaires à partir du 1er mai 2020.


Nous aurons l’occasion de revenir dans le détail sur les conséquences pour les courtiers en exercice, notamment lorsque sera précisé les conditions de transfert pour les titulaires de permis de plein exercice (courtage résidentiel, commercial et hypothécaire) et ceux restreint au courtage hypothécaire.

 

Nous pouvons cependant s’interroger sur le choix des rédacteurs du projet de loi de s’opposer aussi catégoriquement aux recommandations de l’OACIQ. Il est en effet de secret pour personne que l’organisme souhaitait garder sa compétence d’encadrement du courtage hypothécaire. L’OACIQ y accorde tout une partie dans son mémoire (à partir de la page 18).

Après avoir mis en avant les chiffres résumant son activité en la matière depuis 2010, l’OACIQ décrit la double conséquence selon lui d’un tel transfert :

  • « La perte d’un guichet unique » pour les consommateurs

Financement par prêt hypothécaire et achat d’un immeuble sont souvent les deux facettes d’une même médaille. Il y a là un lien intrinsèque. Comme le rappelle l’OACIQ, l’approbation hypothécaire conditionne 95% des promesses d’achat des biens immobilier résidentiels.

Un guichet unique regroupant tant les aspects achat que financement d’une vente immobilière est en effet un vecteur de simplicité pour les consommateurs. Alors que la tendance générale est à la simplification des démarches administratives, il semble curieux que le projet de loi avance à contre-courant à ce niveau-là. L’OACIQ met en avant le fait que le public perdrait du temps lors de dépôt de plaintes et pourrait se retrouver « à la merci de litiges entre assureurs quant à la part de responsabilité imputable aux courtiers immobiliers et hypothécaires fautifs ».

Le guichet unique est profitable également pour l’ensemble des courtiers au niveau de la couverture par le Fonds d’assurance responsabilité de l’OACIQ. Peu importe qu’ils agissent à titre de courtier immobilier ou  hypothécaire, on pense ici particulièrement aux détenteurs d’un permis de plein exercice, ils sont couverts par le même fonds d’assurance. Difficile d’imaginer que le fait d’avoir deux fonds d’assurance, l’un pour son activité de courtier immobilier et l’autre pour la pratique du courtage hypothécaire, puisse faciliter la couverture d’une mise en responsabilité.

  • « Des alourdissements réglementaires » pour les courtiers

Les détenteurs de permis de plein exercice représentent 2/3 des courtiers inscrits auprès de l’OACIQ d’après leurs statistiques. Ce sont ainsi plus de 11 000 courtiers, en plus des 759 titulaires d’un permis de courtage hypothécaire, qui seront concernés par le transfert à l’AMF.

Dans le cas des détenteurs de permis de plein exercice, sauf s’ils font le choix de ne se consacrer qu’à l’une des deux pratiques, ils seront alors assujettis à deux cadres réglementaires et devront maintenir deux permis, respectivement auprès de l’AMF et de l’OACIQ. Cela représentera sans aucun doute un coût supplémentaire pour ces praticiens, alors qu’aujourd’hui un seul permis leur suffit.

L’OACIQ s’étonne également que ce transfert se fasse vers un organisme où les autres disciplines comme l’assurance de dommages, ne sont pas vraiment compatibles avec le courtage hypothécaire. Tandis qu’il y a une interaction incontestable entre ces deux domaines du courtage, que l’intérêt de maintenir la multidisciplinarité est défendu par les courtiers eux-mêmes, comment expliquer la pertinence d’un tel transfert ?

 

Les coûts supplémentaires engendrés par cette division à la charge des courtiers et des agences, finiront par reposer en bout de ligne sur les consommateurs, prophétise l’OACIQ. Mis en parallèle avec la nouvelle définition des opérations de courtage qui continuent d’exclure les activités des entreprises d’assistances du champ d’application de la Loi sur le courtage immobilier, il y a de quoi douter que cela freine la tendance du phénomène "d’ubérisation" du courtage immobilier.

Quelles conséquences pour le métier de courtier immobilier ?

Certaines dispositions applicables dès le 13 juillet 2018 concernent directement la branche des courtiers immobiliers.

 

Des sanctions de plus en plus dissuasives

 

Les amendes sanctionnant les courtiers ou les agences vont augmenter à partir du 13 juillet 2018. Il s’agit de l’augmentation des seuils minimaux et maximaux du montant des amendes, dont il faut distinguer deux types :

  • La première catégorie est disciplinaire.

C’est le comité de discipline de l’OACIQ qui sanctionne le courtier immobilier ou l’agence immobilière contrevenante par une décision collégiale. La fourchette passe de 1 000 $ à 12 500 $ maximal à 2 000 $ à 50 000 $ maximal.

  • La seconde relève du droit pénal pour sanctionner l’exercice illégal.

C’est ici l’ordre judiciaire qui fixera le montant de l’amende en distinguant les personnes physiques et les personnes morales. Pour les courtiers immobiliers, le seuil minimal sera de 2 500$ et le seuil maximal de 62 500$, tandis que pour les agences, les seuils seront respectivement de 5 000 $ à 125 000$.

Un encadrement précisé de la profession pour le courtage locatif :

 

Il n’est pas interdit pour une personne non titulaire d’un permis de réaliser une opération de location, mais la loi précise qu’elle ne peut, à aucun moment, laisser penser qu’elle agit à titre de courtier immobilier. L’OACIQ rappelle que toute personne ayant un permis de courtage immobilier doit respecter strictement les règles de la LCI et qu’un courtier provenant d’une autre province que le Québec, doit être inscrit dans son répertoire.

 

Une dernière année pour renoncer au droit de dédit.

 

Le droit de dédit est défini par l’article 28 de la LCI et peut se définir comme un droit de résiliation pour le client. Selon la lettre de la loi :

« Malgré toute stipulation contraire, le client peut résilier à sa discrétion le contrat dans les trois jours qui suivent celui où il reçoit un double du contrat signé par les deux parties, à moins qu’il n’ait signé une renonciation écrite entièrement par lui.

Le contrat est résilié de plein droit à compter de l’envoi ou de la remise d'un avis écrit au courtier ou à l'agence. »

 

Ce qui change avec le projet de loi 141, est que le client ne pourra plus renoncer à son droit de résilier son engagement dans un délai de 3 jours. Ainsi, à partir du 13 juin 2019, le droit de dédit s’appliquera de manière générale sans que l’on puisse y déroger par une clause dans le contrat.

 

Ce changement s’inscrit dans la tendance actuelle de favoriser la protection des consommateurs. Cela laisse supposer certaines conséquences dans la pratique pour les courtiers immobiliers.

La fin de la notion de courtier débutant ?

Dans l’attente de la publication définitive du texte de loi, le projet de loi 141 sur le courtage immobilier semble enterrer la notion de courtier débutant.

L’OACIQ insistait dans son mémoire sur l’importance de maintenir ce statut pour des raisons de surveillance et de supervision. Alors que l’on compte 2 674 courtiers débutants à travers le Québec, il est dans l’intérêt de la protection du public que les premières années de pratique d’un courtier immobilier soient étroitement surveillées par le dirigeant d’agence.

 

Il relevait donc de la responsabilité du dirigeant d’agence de superviser avec application l’exercice des « courtiers inexpérimentés » selon l’expression de l’OACIQ. Cependant, le projet de loi 141 semble avoir été beaucoup plus loin en généralisant cette obligation.

 

Quelles conséquences pour le dirigeant d’agence ?

 

Le nouveau projet de loi, en supprimant la notion de « courtier débutant », tend à élargir à tous les dirigeants d’une agence, l’obligation de surveillance et d’encadrement de ses courtiers immobiliers. Pour le dirigeant d’agence, le risque de voir sa responsabilité en jeu s’en trouve dès lors augmenté.

 

Aujourd’hui plus que jamais, il est de l’intérêt du dirigeant d’agence de se protéger du risque de voir sa responsabilité mise en cause par la pratique de l’un de ses courtiers. 

Aujourd’hui plus que jamais, il est de bon conseil de choisir une formation de Dirigeant d’agence de qualité, comme celle offerte par le collège CEI (la seule reconnue officiellement par le MEES au Québec) pour être parfaitement outillé.